Le Livre d or

Jacky – Milhaud (Gard)
juin 2013
Suivant les conseils du président Valadier et de son équipe, je choisis fin juin pour attaquer mon périple cyclo. Connaissant presque entièrement les routes empruntées, je me fais une joie de suivre les contours de ce beau département. La fleur au fusil, en entière autonomie, me voilà parti avec tente duvet de printemps car j’ai choisi la bonne époque avant les fortes chaleurs et cela s’avérera vrai !
Je démarre du Bleymard pour la première étape, ce soir je coucherais sous la tente à Langogne. Les sacoches bien arrimées, me voilà sur le parcours légèrement descendant en direction de Villefort ; arrêt photos pour le château d’Altier et de Castanet. Me voici au carrefour au bord du magnifique lac, maintenant je file plein nord et je remarque que le vent contraire et violent sévit. Peu de circulation, les juilletistes ne sont pas encore là. Je file bon train quand même, je mangerai à Prévenchères et profiterai pour tamponner ma carte de route.
Je quitte le bord du lac, la route grimpe maintenant vers le beau village de La Garde-Guérin. Le café de Prévenchères ressemble plus a un magasin d’antiquités, le patron poète m’accueille a bras ouverts. Il connaît l’effort solitaire pour avoir couru marathons et autres courses régionales.
La route continue à grimper tranquillement, je suis le Chassezac, rivière à truites par excellence. Les prés fleuris en ce début d’été sont magnifiques, de belles et de nombreuses fleurs constellent ces champs. Ma rêverie de flâneur s’arrêtera là pour aujourd’hui car de nombreux poids lourds arrivent dans tous les sens, la départementale 906 est agrandie. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Elle me parait assez large vu la circulation mais peut être que le conseiller général du coin estime lui que non.
Langogne en vue, une belle descente m’attend. Que de souvenirs s’attachent à cette petite ville, lieu de départ de beaucoup de Lozériens pour des jours meilleurs dans le Gard. Sortie de Pentecôte avec le groupe cyclo nîmois Tino, Marcel et Michel. Nous avons en tête cette phrase due à Marcel, alors que nous étions cuits : maintenant nous plongeons sur Langogne ! Cela sera répété au moins quatre fois et de nouveau une cote surgissait.
A l’office de tourisme, on m’annonce que le camping est ouvert mais il n’est plus municipal. Il est désert en ce moment ; quelques caravanes et tentes ici et là. Je planterai ma tente au bord de la rivière, le murmure de l’eau m’endormira. Tout d’abord la douche, sanitaires très propres et fonctionnels ; seuls quelques ouvriers de la route sont là. La tente plantée, je m’approche du restaurant : peu de choix pour un cyclo. Je mangerais un croque monsieur aseptisé et un flan. Seule la bière fut bonne. Moi qui rêvais d’un repas lozérien ! Me voilà couché, le sommeil tarde à venir mais le froid non. Je mets le polaire et le collant long plus le bonnet. Dans mon duvet de printemps, je me gèle et en plus cela me donne envie de pisser très souvent. Mon voisin de tente me prêtera un duvet épais mais cela ne m’empêchera pas de mal dormir.
Après les ablutions et le rangement, je m’en vais déjeuner, le chocolat chaud me réchauffera. Ce soir, je coucherais à l’hôtel avec mon ami Bernard au Malzieu-Ville. C’est décidé la tente et le duvet resteront sur le porte bagages pour le reste du séjour. Je traverse Langogne endormie, le lac de Naussac encore embrumé est toujours aussi beau mais je pense au village englouti ainsi que les souvenirs qui s’y attachaient. L’exercice me réchauffe, direction Grandrieu. Le bistrot m’ouvre ses portes, il est midi et je bois une tisane ce qui fait un peu tache a l’heure du Ricard. Les clients sont sympathiques et heureux de vivre en Lozère : champignons, pêche ,chasse sans le stress de la ville. Après les encouragements des buveurs, je vais au pays des loups et des bisons. Cela grimpe toujours et cela est très bien je sens la transpiration arriver me voilà aux limites de la Haute Loire, pays de mes ancêtres maternels. Personne sur la route, seul le vent dans les sapins trouble le silence. Au loin j’entends le brame ou le meuglement d’un bison. L’aventure en terre inconnue se poursuit. J’appelle Bernard mais apparemment le portable ne passe pas mais qu’importe, il m’attend au Malzieu.
Bernard est là devant l’hôtel. Il est venu à ma rencontre de sa maison de vacances qui se trouve en contre bas du col de Bonnecombe. Demain, nous coucherons chez lui. Mais pour l’instant il est 17 h et nous buvons à notre rencontre. Nous mettons les vélos à l’abri en l’occurrence le camion frigo car le garage est plein comme un œuf. La chambre mise à notre disposition, je peux me doucher et m’allonger sur le lit. Bernard me propose une visite de la cité aux remparts. En habit de ville, je fais connaissance de cette bourgade. Un petit vent frais nous accompagne, peu de touristes il est vrai que nous sommes fin juin. Nous retournons à notre lieu d’étape, le repas étant servi à 19 heures. Nous pouvons discuter un peu allongés sur nos lits respectifs, la chaleur me gagnant ainsi que le sommeil je m’assoupirai un long moment. Maintenant place aux choses sérieuses le repas : menu raffiné cela me change d’hier. Le personnel est très gentil et attentionné. A la fin nous faisons honneur aux fromages délicieux en plus le dessert. Un vent frais du nord souffle sur Le Malzieu, cela est de bon augure pour nous car demain nous filons vers le sud Bonnecombe.
La nuit fut excellente, le petit déjeuner complet nous permettra d’atteindre Fournels pour le casse croute de midi. Après avoir salués nos hôtes pour leur sens du commerce et de l’hospitalité, nous partons frais comme des gardons. La route qui nous mène à Fournels est plus pentue que prévue. Le paysage est toujours le même, magnifique et silencieux. Seul le chant des oiseaux et le murmure des rivières troublent ces lieux. Fournels : 15 degrés pas de latitude mais de température. Nous achetons quelques victuailles et nous nous calons sur un banc face au soleil.nos laitages ne tourneront point ! Après ce repas rapide et frugal, nous enfourchons nos vélos, il est bon de pédaler cela réchauffe. Nous traversons La Chaldette petite station de thermale, Nasbinals est en vue, la patrie du rebouteux Pierrounet. En 1990, lors de mon périple à Saint Jacques, c’était ma première étape depuis Le Puy en Velay. Le village n’a guère changé mais plus de magasins de souvenirs. Il est vrai qu’en 1990 le chemin n’avait pas le succès d’aujourd’hui. Nous voyons le col se dessiner plein sud. Cela monte quand même surement, nous voici au col suivi du col de Trébatut, la maison de Bernard se trouve en contrebas aux Salces. Le petit village est en vue, mon copain a acheté il y a quelques années l’école publique, belle maison. La salle de classe a été transformée en cuisine salle à manger. Je m’imagine cette école républicaine du siècle dernier, surement classe unique dirigée par un enseignant qui devait faire ses premières armes pédagogiques dans ce lieu. Résonne en moi les tables de multiplications et la sacré sainte morale. Le poêle allumé, nous pouvons après la douche nous reposer en attendant le repas digne d’un chef étoilé que me prépare Bernard.
Après une bonne nuit et un bon petit déjeuner, je me retrouve seul pour continuer mon périple ce soir gite à Meyrueis. La descente dans la vallée s’effectue tranquillement. J’ai mis le bonnet et les gants car le fond de l’air est frais. En route, je deviserai avec une Parisienne qui demeure six mois l’an dans cette belle contrée. Elle va cueillir des fraises des bois et peut être des myrtilles, elle me conseille de ne pas manger les fruits frais car les renards ou autres sauvagines sont porteurs d’une maladie transmissible à l’homme. Moi qui croque à pleines dents depuis plus de cinquante ans les fruits de la foret, je n’ose pas lui dire. La vallée du Lot se devine, il fait moins froid et je peux me dévêtir. M’étant trompé de route, je tamponne à Chanac en lieu et place des Vignes. Me voilà sur le causse de Sauveterre, lieu aride mais aux magnifiques fermes. La plongée sur Saint Enimie s’effectue lentement car le pourcentage est raide. La petite ville est lovée le long du Tarn. Le tourisme est bien présent, les gens en tenue légère sont assis aux terrasses des nombreux cafés ou restaurants. Sur un banc face au soleil je me restaure, une bière m’aidera à digérer.
En face de la route qui serpente jusqu’au col de Coperlac que je connais très bien, le soleil tape et je ne peux que me réjouir. Des bolides des années 70, 80 me doublent : beaucoup de cabriolets, pas un petit geste d’encouragement, rien. Il est vrai que nous n’avons pas les mêmes valeurs ! Sur cette portion plate, je passe à Hures la Parade, haut lieu de résistance lors de la dernière guerre. Je saluerais aux monuments à la stèle les nombreux combattants bien souvent étrangers qui sont morts pour notre liberté. Meyrueis est là en bas, cela est bien de finir par une descente. Je traverse le village, les bolides sont alignés devant le grand hôtel, les bagagistes se chargent des valises. Cela est normal après cette journée éprouvante. Ce soir, ils seront reçus sûrement par monsieur le maire. Je saurai plus tard que comme moi ils font le tour de la Lozère. Le gîte est là, je le connais pour m’y être arrêté lors d’un tour du massif de l’Aigoual à pieds. J’étais cuit, très cuit. Une chambre étant ouverte, je me suis allongé sur le lit la patronne passant par là m’a jeté carrément : vous n’avez rien à faire dans cette chambre, vous salissez les draps, etc…Toute la litanie y passa. Mais cet incident fut vite clos. Je ne reconnais pas les patrons j’ai cru comprendre que c’était la mère qui m’avait viré. Elle doit être en maison de retraite en ce moment ! Je fais connaissance avec des marcheurs très sympa ils font le périple Le Puy – Saint Guilhem le Desert. Nous prenons le repas copieux s’il en n’est à la même table. Après la tisane dodo.
Demain, la grande étape qui me mènera au Pont de Burgen. Là je connais bien pour y être passé maintes et maintes fois lors de la rando de Saint Jean du Gard. Dans toutes les grandes randonnées, on sait que tel jour sera le plus pentu donc le plus dur, on n’y pense pendant la préparation puis en débutant le séjour. Donc aujourd’hui, grande étape de l’Aigoual, le toit du Gard 1567m. Mais je vais le monter par le bon coté Montjardin puis Serreyrède ligne de partage des eaux Méditerranée – Atlantique. Le haut pays comme l’appelait André Chamson. A l’occasion vous pourrez lire «les hommes de la route», roman qui raconte la construction du col du Minier. Le temps est assez doux ce matin. En ce début de col, je bâche car une petite pluie est venue a ma rencontre pluie du sud donc tempérée. Au col de la Serreyrède, changement de décor : le vent violent est là, je suis à l’abri des sapins mais quand j’arriverai en vue de l’observatoire qui abrite la dernière station météo de montagne et habitée, cela ne sera pas pareil, le pourcentage est régulier 5%, 6 ou 7% sur la fin. Le sommet est atteint.
Beaucoup de monde en ce vendredi. Je vais tamponner au refuge. La salle de restaurant est pleine mais je trouverai un petit coin pour moi prés du bar. Je ne m’attarde pas de trop car il me reste du chemin et le vent du nord souffle de plus en plus fort. La descente sur Cabrillac se fait tout de même à bonne allure et connaissant les lieux, je sais que bientôt je vais virer plein sud et que le vent me sera favorable. Je sortirais un peu de mon parcours pour grimper le col du Salidès, endroit que je trouve magnifique. Il n’a pas changé toujours aussi beau toujours aussi dur peut être plus qu’avant ! Maintenant je file dans la vallée. Je ferai une pause au bar habituel à Saint André de Valborgne mais mon bar est fermé Je file sur l’autre, la patronne cigarette au bec n’est pas déplaisante mais je préférais l’autre. La carte lue et relue, le café bu, je repars. Trente km de plat en longeant le Gardon de Saint Jean, je peux me dévêtir, cela sent le sud Tout à gauche pour la grimpée de Saint Roman de Tousque. Je reconnais bien les lieux : un jour de randonnée les gens du cru qui fêtaient la communion du petit nous avaient invités à l’apéro. Le petit doit avoir 50 ans maintenant. Après la traversée du village, on coupe la route de la corniche des Cévennes, à gauche Le Pompidou, à droite Saint Jean du Gard. Moi je file en face, il faut serrer les freins car la route est pentue et les lacets serrés. L’abbaye de Notre Dame de Valfrancesque est là sur ma gauche. Je reviendrais la voir une autre fois. Maintenant, direction le gite, mais je me ravitaille à l’épicerie du village car demain il n’y aura pas trop de commerces jusqu’au Bleymard.
La ferme des passadoires recommandée par les organisateurs est située dans un petit hameau cévenol qui a gardé son charme désuet. Cécile, la patronne, est là pour m’accueillir. A la fois hôtesse et chevrière, elle me désigne ma chambre. Rustique à souhait, le lit est recouvert d’une couette de plumes très épaisse. Je n’aurai pas froid cette nuit. Le repas étant prévu à 7 heures, j’ai le temps de flâner dans le hameau : calme absolu. Seul le lointain son des clochettes des chèvres trouble le silence. A table, nous serons 5 des personnes qui font la randonnée Stevenson. Le gîte situé sur le chemin, la patronne est très contente car celui-ci fait venir les marcheurs. Le repas copieux sera suivi d’une dégustation de pélardons (le fromage local de lait de chèvres). Cécile la patronne nous explique son travail entre ses chambres d’hôte et sa chèvrerie. Elle n’a pas le temps de languir, son mari s’occupant essentiellement des chèvres. La saison pour elle commence en mars et fini en novembre. Couché de bonne heure, je m’endors profondément sous la couette.
Le petit déjeuner pris en route pour mon avant dernière étape : Le Pont de Burgen – Le Bleymard. Ce soir, je coucherai au camping municipal mais je n’aurai pas froid car dans ma voiture il y a sac de couchage d’hiver + couverture + matelas donc cela sera grand confort plus réchaud plus le café. Mais pour l’instant, étape montagneuse à souhait, petits cols mais nombreux. Les Cévennes sont pentues et la répétition de montées vaut largement les cols alpins. Pour ceux qui ont fait le toboggan cévenol, ils ont pu constater que c’était aussi dur qu’un brevet randonneur des alpes. Je rencontre à Saint Germain de Calberte un couple de randonneurs et leur âne. Ils font Stevenson, lui connaît bien le milieu cyclo et il est ravi de voir que j’ai comme lui une selle Brooks. Un vent frais freine ma progression, de petits villages a l’écart des grandes routes sont là blottis plein sud sous les frondaisons de châtaigniers. Le vent souffle de plus en plus car je m’approche du col. Il ne faut pas lâcher le guidon car le vent me pousse vers le milieu de la route. Croix de Berthel, 1 088 m sur la route Alès – Florac, l’auberge a brûlé. Un jour d’orage nous avions mangé à cet endroit. La pluie et le froid avait calmé nos ardeurs et nous étions rentrés rapidement sur Alès pour en finir avec cette randonnée chère au père Vidal.
Le Pont de Montvert : à cet endroit après l’assassinat de l’abbé du Chayla, les guerres de religion ont commencés ici. Un petit café et en route pour le dernière difficulté du tour : le col de Finiels. Le temps devient orageux, je crains pour la montée. Le col est à 1 541 mètres. Finiels le petit village est atteint, un camping-car arrive à ma hauteur. Pour éviter de trop me tremper, je lui demande s’il peut me monter au col. Pas de soucis me voilà dans le véhicule au chaud. Le temps devient vraiment mauvais. Qui aurait dit cela en partant ce matin sous un soleil radieux. Le sommet est atteint, la tempête fait rage des nuées de nuage s’accrochent au sommet du Lozère. Personne. Je mets le goretex et les gants. Jusqu’au chalet la route monte légèrement puis cela sera la descente sur Le Bleymard, terme de ma journée. La descente est là, il fait froid, je descends lentement car la route est glissante. Plus bas, la température est plus douce mais la pluie persiste. Les bas cotés sont fleuris et verts, la pluie et le température ne peuvent que , conserver cette flore . J’en profite pour faire un bouquet pour mon épouse belles fleurs mauves ressemblant a nos fleurs de poireaux sauvage. Le Bleymard : je file sous la pluie battante à mon véhicule et je ne le trouve pas. Après être monté et descendu dans Le Bleymard je retrouve la voiture sur la petite place, moi qui croyais la trouver à l’opposé. Vélo à l’abri, je me change, c’est décidé je rentre chez moi. Ce soir je coucherais dans mon lit au chaud. J’en profite pour aller au ravitaillement à la boulangerie. Je téléphone à ma femme : je rentre.
Mon séjour s’arrête là moi qui rêvais de faire demain l’aller retour Mende – Le Bleymard. Il n’en sera rien. Adieu fouace et cathédrale. Je reviendrais c’est sur quand il fera beau !
Très belle rando permanente à conseiller aux amoureux de nature sauvage. Mais il faut être bien entrainé et avoir des braquets très très souples.
Merci encore aux géniteurs de cette rando lozérienne.

 

                                                                          récit mis en ligne le 31 octobre 2013